L’exposition Asia Chic à la Fondation Baur met à l’honneur les tissus chinois et japonais qui ont influencé la mode des Années folles
Teint, tissé puis enfoui dans la neige, le textile d’un des kimonos exposés à la Fondation Baur de Genève dans l’exposition Asia Chic a la particularité de se porter en été et de produire un effet froissé naturel, procédé ancestral connu sous le nom de Ojiya-chijimiet remis au goût du jour dans les années 1920.

Ce kimono fait partie de la généreuse donation Sugawara Keiko léguée en 2015 à la Fondation Baur, qui fût, entre autres, à l’origine de cette fascinante exposition. L’idée de départ a été de mettre en lumière l’importante collection de textiles du musée à travers l’influence des textiles asiatiques sur la mode occidentale de l’Entre-deux-guerres.
A côté de ce magnifique kimono au motif de paulownia on retrouve une affiche de 1913 montrant un modèle de robe d’intérieur de Jacques Doucet où l’on remarque que l’aménagement d’intérieur reprend ici les mêmes motifs et couleurs que ce vêtement traditionnel japonais.

Kimonos et mode européenne
Dans les premières décennies du XXèmesiècle, au moment même où l’Europe sort enfin de la Première Guerre mondiale, la mode vestimentaire féminine va vivre une mutation sans précédent. La femme se libère de son corset et cherche à s’habiller en conformité avec ses nouvelles activités : réceptions, fêtes, sports, loisirs et professions.
Et c’est justement dans la découverte du kimono, vêtement traditionnel japonais, à la coupe ample et fluide et à ses décors mystérieux, que les créateurs vont puiser leur inspiration pour offrir à leur clientèle des modèles teintés d’exotisme, d’élégance et de nouveauté.
Robe d’intérieur en soie brochée (…) Planche peinte au pochoir métallique sur papier France, Paris, Costumes Parisiens, Journal des dames et des modes, année 1913 Signée George Barbier © The Trustees of the Chester Beatty, Dublin Kimono quotidien, à motif de fleurs, de feuilles et de fruits Coton tissé de fils teints selon la technique Kurume kasuri Japon, ère Shôwa (1926-1989), Tôkyô Donation Sugawara Keiko Marian Gérard © Fondation Baur, Genève.
Les kimonos et autres textiles chinois de la collection Baur sont mis en parallèles avec les affiches représentant les nouveaux modèles proposés par les grands couturiers de l’époque, comme Poiret, Worth, Lanvin ou Paquin.
Les vêtements asiatiques les font rêver ; les matières, les couleurs, les formes et les motifs les inspirent.
On retrouve par exemple dans leurs modèles de robes, le travail au fil d’or, des motifs de phœnix et de dragons, des formes droites aux manches évasées, des ceintures japonaises, des broderies de soie et des techniques de tissages asiatiques aux couleurs corail et vert jade.


Les donations
La collection de textiles de la Fondation Baur compte de très nombreuses pièces. Certaines ont été directement acquises par les Baur lors de leur voyage en Asie ; les autres, comme les kimonos et les costumes de théâtre chinois ont été légués par donation à la Fondation par des particuliers.
Deux grandes donations de près de 160 pièces au total ont rejoint les collections du musée et sont mises en avant dans cette exposition : celles de Sato Mariko et de Sugawara Keiko, léguées respectivement en 2008 et 2015. Ces deux legs sont d’une très grande richesse car ils permettent de retracer des histoires familiales sur trois générations. Les kimonos sont transmis de mère en fille comme héritage et reflètent le rang social de chacun, selon le traitement plus au moins luxueux des tissus et des techniques de broderies employées.


Diversité des techniques de broderies
Les textiles exposés témoignent de la diversité des techniques de broderies pratiquées en Asie. Les femmes japonaises, ne portant pas de bijoux, exhibent leur richesse à travers leur kimono, traité comme de véritables œuvres d’art.
Aux côtés de la technique Ojiya-chijimi, évoquée plus haut, il existe de nombreux autres procédés relevant d’un savoir-faire et d’un artisanat exceptionnel. La technique de Kurume kasuriconsiste par exemple à teinter le fil avant broderie, donnant un aspect flouté aux motifs. Le tissage tsuzure-ori, dit tissage à ongle, permet de créer de superbes dessins de forme libre qui semblent avoir été peints au pinceau sur le tissu et non tissés. Ou encore la teinture shibori, qui consiste à nouer le tissu de soie à l’aide de fil, avant de procéder à la teinture.
Robe du soir de Beer Planche peinte au pochoir métallique sur papier France, Paris, Gazette du bon ton, année 1921 Signée George Barbier © Bibliothèque nationale de France, Paris Kimono formel de couleur, doublé pour l’hiver, à motif de pivoines Crêpe de soie teint, peint de couleurs d’or et d’argent et brodé au fil d’or Japon, fin de l’ère Taishô (1912-1926) ou début Shôwa (1926-1989), Tôkyô Donation Sugawara Keiko Marian Gérard © Fondation Baur, Genève.
Cette exposition est l’occasion de partir à la découverte d’un monde extraordinaire, où les créations textiles sont peuplées de créatures imaginaires parsemées de fleurs, d’oiseaux et de papillons évoluant dans une nature féerique qui attirent les créateurs de mode parisiens au début du XXèmesiècle. Leurs dessins de haute couture témoignent de cet engouement pour la beauté et la souplesse de la soie, les couleurs éclatantes et les broderies complexes au savoir-faire ancestral.
Asia Chic est à voir jusqu’au 7 juillet 2019.

Fondation Baur, Musée d’Arts d’Extrême Orient
ASIA CHIC, L’influence des textiles chinois et japonais sur la mode des Années folles
Du 10 avril au 7 juillet 2019
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